Magelan publie sa première étude sectorielle sur le domaine du vin. La diffusion de cette étude a notamment donné lieu à un webinar, dont le replay est visible ici.
Le secteur viti-vinicole est en première ligne du changement climatique : sa contribution à la neutralité climatique est de plus en plus attendue, tandis qu’il doit s’adapter à des aléas climatiques croissants.
En perspective, des objectifs fixés par la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) à horizon 2030, nous souhaitons aborder 4 défis qui se posent simultanément au secteur :
Le dernier rapport du Haut Conseil pour le Climat évoque un réchauffement moyen en France de +1,9°C sur la dernière décennie (2013 - 2022). Notre pays est donc davantage touché par le réchauffement global planétaire de +1,15°C sur la même période.
Dans une France à +1,9 °C de réchauffement climatique, la culture de la vigne est déjà chamboulée. L’année 2022 a été exceptionnellement chaude et sèche en France, et les impacts sur l’activité se font déjà ressentir.
Comment s’y adapter ?
Pour résumer en quelques chiffres le secteur du vin, nous citerons notamment, pour la France :
Dans cette étude, on s’intéresse à toutes les activités induites par la consommation de vin : de la culture, à la vinification, en passant par la mise en bouteille, au transport, à la consommation et la gestion des déchets.
Dans cette chaîne de valeur, plusieurs acteurs sont impliqués : viticulteur, vigneron, industriel, distributeur, transporteur, consommateur. Tous devront collaborer pour relever les défis de la transition et de l’adaptation.
Grâce à la démocratisation de la mesure d’impact - notamment via le bilan carbone, ou l’analyse de cycle de vie - la répartition des émissions de gaz à effet de serre d’une bouteille de vin commence à être connue.
On sait par exemple qu’une bouteille de vin de 0,75L émet entre 1 et 2,5 kg de CO2e selon les domaines.
Notamment, ces émissions de gaz à effet de serre sont concentrées sur deux étapes : le conditionnement (lié à la fabrication des bouteilles en verre), et le transport.
Pour se décarboner, la filière pourra s’attaquer à plusieurs actions :
Néanmoins, de nombreux verrous systémiques perdurent, car la responsabilité est distribuée à travers toute la chaîne de valeur. Si les domaines ont la main sur des leviers viticoles ou vinicoles, ils n’ont aujourd’hui peu d’influence sur les systèmes industriels du conditionnement, sur les attentes des consommateurs ou sur la réglementation des appellations. Cette complexité freine malheureusement la transition du secteur.
C’est la raison pour laquelle le Bureau Interprofessionnel des vins de Bourgogne cherche à passer les leviers d’action à l’échelle en les partageant ouvertement : l’interprofession publie et anime un catalogue de 103 actions concrètes et détaillées pour se mettre en action et gagner en influence collective sur les verrous cités plus haut. Ainsi, ils visent une réduction de -60 % des émissions d’ici 2035, ce qui correspond à une baisse de -4,3 % par an.
Si l’activité viticole induit des émissions de gaz à effet de serre, elle permet aussi de séquestrer du carbone dans le sol. La vigne dispose d’un potentiel de séquestration significatif, de l’ordre de +3,7 ‰/an par selon l’Inrae.
Ce qui ne sera pas de trop pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en France en 2050. La Stratégie Nationale Bas-Carbone nous demande de faire x6 sur la capacité de séquestration carbone d’ici à 2050.
Ce chiffre de +3,7 ‰/an est également en accord avec l’initiative 4 pour 1000 qui fixe un cap d’augmentation de la séquestration carbone de +4‰/an.
Plusieurs pratiques permettent d’augmenter la capacité de séquestration de carbone des vignes, dont :
L’Inrae nous dit que l’enherbement est le principal levier à court-terme pour un domaine qui souhaite augmenter la capacité de séquestration : avec un résultat de +182 kg de carbone par hectare par an (soit 667 kgCO2e/ha/an). Cela pourrait représenter presque 10 % de l’empreinte carbone d’une bouteille.
Certains vignerons sont déjà actifs sur le sujet, comme Michaël Bourrassol du Domaine des Luces dans le Gard qui a semé un couvert végétal sur ses 57 hectares de vignes dans le Gard. En 8 ans, son taux de matière organique est passé de 2,5 % à 3%.
À terme, ces pratiques pourraient générer des revenus complémentaires grâce au Label Bas-Carbone. Ce dernier, dont la méthode pour la viticulture est encore en construction, devra prendre en compte les efforts passés des viticulteurs ayant poursuivi des pratiques vertueuses d’un point de vue de la séquestration. Par ailleurs, toutes les pratiques de séquestration ont un coût, mais dont les co-bénéfices ne sont pas valorisés par une approche strictement carbone.
Toute démarche de séquestration ne doit pas ralentir les efforts de réduction des émissions induites : en effet, la capacité maximale de séquestration correspond à 10 % des émissions induites maximum.
Adopter une approche mono-critère, centrée sur les émissions de gaz à effet de serre, n’est pas pertinent.
Pour une activité agricole, bien d’autres enjeux environnementaux et climatiques sont essentiels à maîtriser : qualité et quantité d’eau disponible, biodiversité, qualité du sol, qualité de l’air.
De plus, l’interaction des pratiques viticoles a des impacts complexes et variés (ex : l’enherbement peut tout autant préserver le sol qu’augmenter la consommation d’énergie fossile pour la mécanisation), qui nécessite une vision agronomique et environnementale complète pour prendre des décisions au bon niveau.
Certains outils permettent d’avoir une vision globale, comme l’indice de régénération de Pour une agriculture du vivant.
L’indice possède 5 critères :
Cet indice permet de suivre l’impact de ses pratiques agroécologiques et oriente ses choix sur les différents impacts environnementaux tels que le carbone, à la manière d’une boussole. Il est plus polyvalent et opérationnel qu’un label, et permet d’avoir du sens pour tous les maillons de la chaîne.
L’indice de régénération permet d’orienter vers de nouvelles pratiques vertueuses adaptées : on parle alors d’agriculture de conservation, voir de régénération.
Les vignes sont vulnérables au changement climatique à cause de leur exposition accrue aux aléas. Ces derniers sont multiples, et peuvent se combiner.
Par exemple, la baisse des précipitations dans le Sud de la France, combinée à l’augmentation de l’activité photosynthétique provoquée par les températures accrues fait chuter le bilan hydrique total de la vigne (source). Le décalage des cycles phénologiques provoque des bouleversements pour les vignobles.
La vulnérabilité d’un vignoble dépend aussi de sa capacité d’adaptation, ce qui nécessite une meilleure connaissance des liens entre vin et climat au niveau local. Pour cela, on peut simuler l’impact des aléas à l’échelle micro/mezzo (DRIAS-Climat, Aqueduct).
Certains vignobles prennent de l’avance, à l’image de la coopérative Vignerons de Buzet qui expérimente une trentaine de modalités viticoles sur son vignoble, comme des kits technologiques (sondes, dendomètres, capteurs de flux de sève).
Pour que la décarbonation du secteur puisse avoir lieu, des mouvements systémiques sont nécessaires, où chaque acteur a sa responsabilité et peut envoyer des signaux aux autres.
Pour voir le replay de la présentation de notre étude, rendez-vous ici.